Croix en Creuse
Les témoins de notre histoire

La chapelle de Bellefaye était autrefois l’église paroissiale d’une petite commune aujourd’hui disparue. En 1834, la commune de Bellefaye fut administrativement rattachée à celle de Soumans. Bien que conservée, la chapelle n’est plus affectée au culte régulier, mais elle témoigne encore de l’ancienne vie religieuse locale. Les fonts baptismaux, toujours visibles dans la chapelle, sont taillés dans un bloc de pierre locale de forme rectangulaire. De dimensions modestes, adaptées à un édifice rural, ils sont intégrés dans un angle du bâtiment. Il s’agit d’un ensemble monolithique sans couvercle, reposant sur une base en maçonnerie traditionnelle. L’usure de la pierre suggère une ancienneté certaine, sans qu’une datation précise puisse être avancée. Toutefois, le style général et l’état de conservation permettent de proposer une fourchette allant du XVe au XVIIe siècle, en cohérence avec l’architecture de l’édifice. Fait rare, deux cachets de plomb foncé, dont un a été volé, sont encore visibles sur les fonts baptismaux. Ils présentent une empreinte circulaire, partiellement identifiable, et semblent avoir été scellés directement dans la pierre, dans un contexte liturgique ou juridique. Il ne s’agit pas de simples décors sculptés, mais bien de véritables sceaux fixés dans des cavités ménagées à cet effet. Ces éléments pourraient correspondre à une interdiction d’usage du mobilier, à une marque d’inventaire (révolutionnaire ou concordataire), ou encore à un scellement paroissial postérieur à la désaffectation. Ce type de pratique, rarissime sur des fonts baptismaux ruraux, constitue un précieux témoignage de procédures administratives ou ecclésiastiques aujourd’hui disparues.
Sceau n° 1 :
Ce cachet de plomb foncé, de forme trapézoïdale, est apposé sur le rebord intérieur des fonts baptismaux. La photographie permet de distinguer clairement les éléments suivants : Au-dessus de l’écu, une silhouette qui pourrait représenter une tête ou un buste stylisé, peut-être un personnage. Au centre, un écu (ou bouclier) incliné, orné d’un meuble oblique (probablement une bande) et, en dessous, une tige verticale interprétée comme une hampe de bannière. Le pourtour de l’empreinte semble orné de petites ponctuations ou perles en relief, suggérant une légende circulaire aujourd’hui presque illisible. Malgré l’usure importante, certaines parties étant écrasées, la forme générale reste reconnaissable. Interprétation probable : sceau armorié, d’origine seigneuriale ou épiscopale.
Sceau n° 2 :
Ce second cachet, de forme circulaire, présente un relief central en cercle bombé. La surface est très usée, et les motifs centraux demeurent indéterminés, ils pourraient correspondre à un symbole christique. Une particularité notable réside dans une inscription incisée sur l’appendice circulaire du cachet, où l’on distingue partiellement les lettres « XIV… ». Cette mention pourrait correspondre soit à une date (par exemple, le XIVe siècle), soit à un chiffre (comme l’an 14 d’un calendrier particulier). Un cordon ou bourrelet forme une bordure autour du cachet. Interprétation probable : marque d’authentification ou de fermeture, attestant la validité canonique de la cuve. Ces cachets, d’un type extrêmement rare, semblent correspondre à une mise sous scellés officielle opérée par une autorité, Ecclésiastique, dans le cadre d’une visite pastorale, d’une interdiction temporaire des sacrements ou d’une fermeture de l’édifice, Civile ou judiciaire, dans le contexte d’un inventaire post-révolutionnaire, ou d’une procédure de désacralisation ou de transfert de propriété. Leur usage ne correspond en rien à celui d’un sceau communal : Bellefaye, commune rattachée à Soumans dès 1834, n’a laissé aucune trace d’un tel sceau, et ce type de procédé ne relève pas des pratiques administratives des petites communes rurales avant le XIXe siècle. Ces cachets représentent donc un témoignage exceptionnel, tant par leur rareté que par les questions historiques et liturgiques qu’ils soulèvent.

Source : Françoise et Robert Bédoussac-Mousson, Jean Claude Franchaisse, Claude Royère